Elle s'est préparée en silence, a déjeuné en silence et referme maintenant la porte d'entrée précautionneusement. Il ne faut surtout pas réveiller la mère.

Le poids du cartable lui est léger. Derrière la porte, elle a laissé le plus lourd de sa vie.

Devant l'immeuble, s'ouvre la route goudronnée qui la mène au chemin de terre.

Dans quelques instant, il y aura l'école, la salle de classe, la chaise où il faudra s’asseoir, en silence.

Elle quitte le goudron noir et les immeubles, grands, austères qui le bordent et montent la garde, qui la surveillent de leurs regards lugubres, s'éloignent.

Et voilà le chemin...

Un sentier bordé d'herbes folles et indisciplinées qui picotent un peu ses jambes nues.

En ce début de printemps leur vert tendre est un baume pour les yeux. L'air frais, habité de chants joyeux, amoureux, donne envie de courir. Alors elle court. Parfois elle aimerait courir sans plus jamais s’arrêter, courir jusqu'à bout de souffle pour échapper à la noirceur de l'asphalte, aux angles coupants des immeubles, aux silences terrifiants. S’échapper...

Son amie l'attend. La fidèle amie au grand sourire qui lui prend la main. C'est bon de n'être plus seule. Elles rient ensemble faisant s'envoler les premiers papillons du printemps aux couleurs bonbons.

Elle est heureuse.

Bientôt se dressent les murs de l'école...

Profiter encore de cette petite bulle de bonheur, de l'horizon où rien ne la dépasse, où l'herbe et le papillon sont doux au regard et où l’oiseau qu'elle entend là-bas, lui promet que tout ira bien.

Quand même, elle aime bien l'école. Il y a du goudron dans la cour, mais il est doux aux semelles et elle se sent protégée par les murs de sa classe tapissés de livres, de cartes colorées et du tableau où la maîtresse trace de jolies courbes blanches.... Le silence qui règne là n'a rien de menaçant...

Elle oubliera pendant quelques heures le chemin du retour, sombre et où les papillons ne voleront plus.