• A Lisa

    Son petit doigt rose et rond parcoure la veine bleue, puis avec le pouce saisit un repli de peau...

    Elle me plante deux prunelles innocentes et dorées dans les yeux :

    - T'es vieille ?

    Deux mots; Une déflagration. Qui creuse le fossé des années qui nous séparent.

              Suis-je vieille ?

    Que répondre ?

    Je pourrais lui dire :

    Je suis grande, avec de longs bras pour te cueillir et t'entourer de tendresse ;

    J'ai des doigts habiles pour panser le genou écorché de la récré, 

    Une main experte pour guider la tienne lorsque tu formes tes premières lettres, sur les lignes du papier ;

    Je peux te lire Boucle d'Or et les trois ours ;

    Rassurer tes peurs...

    Je regarde sa peau de lait, la douceur ronde de la joue, le petit nez saupoudré de son, les grands yeux confiants que voile une légère inquiétude.

    - Oui... un peu...

                     Le « un peu », comme pour m'excuser...

    Alors, elle pose délicatement sa tête aux boucles rousses sur ma main.


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  • Ils sont petits tous les deux, et les yeux cerclés d'or ; la peau ridée, blanchie par les années passées.

    Lui, coiffé d'un trop grand chapeau que les oreilles arrêtent ; elle, avec du beau rouge sur ses lèvres minces.

     

    Ils parlent à mi-mots, en penchant une oreille délicate ; épaule contre épaule ; le train les balance.

    Dans leurs yeux lavés par beaucoup de larmes, l'innocence des jeunes années a refleuri.

     

    D'un doigt qui tremble un peu, il lui montre quelque chose dont nous ne savons rien.

    Et puis des silences, nourris de tant d'années à se côtoyer...

     

    Ils ont pris les paquets, trop grands pour eux, sont descendus du train.

    Et sur des jambes qu'ils veulent encore solides, à petits pas, se tenant le bras, coude à coude,

    ils s'en sont allés...


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  • Dommage, vous dormiez encore !

    Dommage, depuis votre chambre sombre,

    N'avez-vous donc pas entendu les premiers accords ?

    ----------------------

    Mais moi, vite, vite, levée, pieds nus précipités,

    J'ai couru m'assoir aux premières loges... 

    Pour ne rien rater

    De cette lumière folle qui colore en orange

    Le mur de pierres noyé de rose et de ciel ;

    Magnifique dissonance...

     

    Et les babils, les trilles, les roucoulades et les appels !

    Toute cette joie lancée à l'azur...

     

    Sur la pointe de leurs rondeurs,

    Glissent doucement

    De timides nuages en tutu blanc,

    Poussés par la main experte du vent ;

    Ce même qui caresse les longs bras du saule,

    Et fait frémir d'aise la jeune feuille de l'aulne...

     

    Puis,

    Avec la superbe d'une Diva,

    L'Astre ouvrit Sa paupière d'or,

    Éclaboussant le décor

    de Son incandescence écarlate.

     

    Ce fut bref.

    Ce fut intense.

    Quelques secondes,

    Pour tout embraser,

    Puis Se retirer...


    Et, d'un coup,

    Rideau,

    Chamarré de gris,

    A l'infini...

    ---------------------

    Vous sortez un visage ensommeillé de sous la couette et dites :

    - Il fait drôlement gris aujourd'hui...

    Et dans mon œil, vous ne verrez même pas

    L'étincelle d'Or qu' Il m'a laissée avant de disparaître...


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  • Au crépuscule, elle était descendue au jardin; allongée dans le transat en bois, elle écoute avec mélancolie le chant du merle.

    Puis les premières chauve-souris sont sorties et dans leur course folle la frôlent presque. Ça l'a fait sourire.

    Au fond du jardin, une ombre furtive... Le chat surveillant les mulots probablement.

    Peu à peu, les voix familières des voisins se sont tues. Ils sont rentrés et bientôt la lumière de leur chambre à coucher s'éteignit. 

    Une langueur coulait en elle comme du plomb.

    Elle ferma les yeux.

    Elle se sentait si seule...

    Au seuil de la cinquantaine, elle se disait que c'était fini ;

    Qu'il n'y aurait jamais à côté d'elle, une épaule où poser sa tête.

    Et là, ce soir, elle aurait voulu disparaitre, se dissoudre dans cette rosée qui commençait à perler sur sa peau...

    Et ne plus sentir la douleur au ventre.

     

    Elle entendit une musique au loin...

    Une valse.

    Elle entrouvre les yeux...

    Elle est assise dans une grande salle...

    Le plafond est très haut, décoré à l'italienne, les murs en lambris sont ornés de fresques splendides, au fond une grande cheminée où veillent deux statues de bronze... Une salle de bal.

     

    Comment est-elle arrivée là ?

    Une ombre s'avance... qui l'invite à danser.

    Elle hésite un instant... Elle ne sait pas valser !

    Mais elle en a envie... Terriblement !

    Elle sent qu'il sait faire...

    Alors elle a confiance.

    Un bras solide l'entoure et la conduit...

    Elle s'abandonne complètement...

    Elle ferme les yeux et peu à peu, elle décolle ;

    son corps souple semble n'avoir plus de limite

    Ses pieds ne touchent plus terre ;

    Et elle tourne, tourne, tourne...

    Elle ne voit pas son visage mais elle sait qu'il la regarde sourire ;

    Et ça lui plait...

    Et elle tourne, légère...

    Et elle sourit...

    Alors, elle pose sa tête sur son épaule...

    Elle n'est plus que

    Musique...

    Mouvement...

    Joie...

    -------------

    Elle aurait voulu ne plus jamais ouvrir les yeux...

    Mais elle a un peu froid maintenant, alors lentement elle remonte chez elle.

    Avant d'éteindre la lumière, elle caresse la douce pelisse du chat couché sur l'oreiller à côté d'elle.


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  • Nouée, grise,

    Sanglée d'aigreur

    Triste figure endeuillée,

    Entre en forêt.

    Les arbres polis, saluent

    Cette procession funèbre et solitaire ;

    Proposent leur aide,

    De leurs bras accueillants me désignent le ciel

    Et me suggèrent : juste une petite bouffée d'air ?

    Souffle étranglé, je tente

    Une bouffée de bleu...

    Pas mal... encore un effort

    Une bouffée de vert... Bien !

    Allez, une autre bouffée de blond...

    ...

    Ciel d'azur,

    Canopée printanière,

    Sable doré,

    Peu à peu les couleurs prennent possession, chassent les miasmes gris...

    Le garrot lâche prise...

    Mon souffle m'envahit...

    Dénouée, je me grise...


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  • J'ai du bonheur plein ma besace

    Et le sème pour vous, au gré du vent des mots...

     

    Bonheur glané au creux de mes sentiers de forêt...

     

    Les pins rouges baignés d'azur doucement m'en ont poudrée ;

    Les immenses sapins m'ont frôlée de leurs bras solennels,

    Me confiant leur sérénité généreuse...

    J'ai cueilli les perles de cristal des mousses fragiles et craintives

    pour qu'elles vous illuminent de leur lumière...

    Dans leur fuite, un cerf et sa dame, m'ont dit le souffle de la liberté ;

    j'ai envié leur course folle ; immobile, éblouie...

    Et le sable doux, que mes pieds caressaient, m'a conté la chaleur de la tendresse ;

    Le frémissement des feuilles frôlées par le vent m'a porté la sérénité

    Et me reposant au creux d'un grand rocher drôle,

    j'ai bu sa force tranquille

    et cocasse...

     

    J'ai du bonheur plein ma besace

    Et pour vous,

    Le sème au vent des mots...


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