• Tournier - Vendredi ou les limbes du Pacifique

    Un passage intéressant - dont les degrés de lecture peuvent varier, l’esprit de cet extrait étant "discutable" mais qui prête à réfléchir. Terriblement d'actualité !

     

     

    Je mesure aujourd'hui la folie et la méchanceté de ceux qui calomnie cette institution divine : l'argent ! L'argent spiritualise tout ce qu'il touche en lui apportant une dimension à la fois rationnelle – mesurable – et universelle – puisqu'un bien monnayé devient virtuellement accessible à tous les hommes.

    La vénalité est une vertu cardinale. L'homme vénal sait faire taire ses instincts meurtriers et asociaux - sentiment de l'honneur, amour-propre, patriotisme, ambition politique, fanatisme religieux, racisme – pour ne laisser parler que sa propension à la coopération, son goût des échanges fructueux son sens de la solidarité humaine. Il faut prendre à la lettre l'expression l'age d'or, et je vois bien que l'humanité y parviendrait vite si elle n'était menée que par des hommes vénaux. Malheureusement ce sont presque toujours des hommes désintéressés qui font l'histoire, et alors le feu détruit tout, le sang coule à flot. Les gras marchands de Venise nos donnent l'exemple du bonheur fastueux que connaît un État mené par la seule loi du lucre, tandis que les loups efflanqués de l'Inquisition espagnole nous montrent quelles infamies sont capables des hommes qui ont perdu le goût des biens matériels. Les Huns se seraient vite arrêtés dans leur déferlement s'ils avaient su profiter des richesses qu'ils avaient conquises. Alourdis par leurs acquisitions, ils se seraient établis pour mieux en jouir et les choses auraient repris leur cours naturel. Mais c'étaient des brutes désintéressées. Ils méprisaient l'or. Et ils se ruaient en avant, brûlant tout sur leur passage.

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :