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Anamnèses
« J'appelle anamnèse l'action mélange de jouissance et d'efforts que mène le sujet pour retrouver sans l'agrandir ni le faire vibrer, une ténuité du souvenir. » Roland Barthes
- Dans le sable jaune à l'odeur acre conférée par la pluie et la pisse de chats, nous jouions aux billes ou avec de petits vélos de plombs colorés que nous faisions avancer sur des monticules de sable tassés par nos mains.
- C'est avec la frousse au ventre qu'on se lançait dans la pente du parking. Les patins à roulettes faisaient un bruit d'enfer. En bas, les garçons nous regardaient.
- Le laitier passait deux fois par semaine. On achetait des yaourts dont la fraîcheur faisait perler le verre orné de la célèbre marque et de quatre cercle bruns.
- Les internes et demi-pensionnaires avaient droit à un goûter. Nous les externes on voulait aussi cette tranche de pain un peu sec et la petite barre de chocolat noir, cassante, qui faisaient, parce qu'on avait triché, le meilleur goûter du monde.
- C'était l'été. J'étais fière de ma robe à pois rouge.On aurait pu me croire ornée de coccinelles. Ce jour-là, je me suis ouvert le genou. Orné lui aussi d'un joli pois rouge.
- Pour ces premiers achats de grands, nous n’entrions dans la petite boutique en face du collège que par quatre ou cinq. La libraire avait fait la part belle au rayon de bonbons bigarrés. L'odeur, un curieux mélange de sucre et de papier, en plus de la chaleur, nous enveloppait de bien-être. Quelle fierté de sortir quelques centimes du fond de nos poches.
- L'odeur nous cueillait dans l'escalier de l'appartement que nous louions pour les vacances. C'était une odeur de vieux bois qu'avaient tannés une multitude de pieds nus chargés du sable de la plage et du sel de la mer.
- Mme Blanchot, prof d'anglais. Cette femme d'avocat, dont l'épaisse couche de fond de teint m’intriguait, arrivée sur l'estrade, rejetait ses cheveux blonds crépés d'un mouvement de tête, relevait ses lunettes noires, souriait de ses dents imposantes : « sit down ». Une heure d'ennui commençait. Au fond de la classe, j'étais déjà « down ».
- M. Petit était un petit prof de technologie. J'aimais la technologie. Lui ne m'aimait pas. Il préférait ma voisine, la blonde Marie-Françoise. Il m'a humiliée en affublant une de mes géniales trouvailles d'un nom peu glorieux. Je lui en veux. Il a brisé là une brillante carrière d'ingénieur.
- Très ingénieuse donc, lors de nos jeux d'enfant, j'avais inventé un système qui nous permettait, à mon amie et moi de faire pipi debout comme les garçons. Je ne m'explique pas la gêne que je ressentais alors à utiliser cet engin. C'était quand même rigolo d'avoir découpé la poire à lavement de la trousse de médecin qui se transformait ainsi en zizi.
- Derrière notre immeuble, il y avait en contrebas un terrain vague, dont la forte pente, par endroit, était recouverte de quelques arbres et arbustes. C'était ma pampa, mon terrain d'aventures, ma forêt vierge que j'arpentais en conquistador.
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