Elle a de petites mains potelées, une mignonne fossette au menton, de grands yeux bleus tout ronds qu'elle darde sans ciller sur qui la contemple. Quelques fins cheveux blonds lui font une couronne. Lillie est une merveilleuse petite fille de six mois, calme, qui semble éternellement satisfaite.

 Jamais un chagrin ne plisse son front. Et dès qu'on la couche, ses paupières se ferment doucement sur de beaux rêves. Pensez, elle fait ses nuits depuis longtemps ! Mme Lazare est fière de son bébé. L’aîné est bien grand maintenant, et c'était son désir le plus fou qui s'était réalisé avec la venue de Lillie ; elle pouvait de nouveau pouponner.

- Aujourd'hui est un grand jour, Lillie, maman t'emmène au supermarché ! Viens que je t'habille !

Délicatement, elle soulève Lillie toute légère, qui sommeille dans son berceau, et la dépose sur la table à langer.

- Je vais te mettre ta belle robe blanche... et les petites chaussures assorties. Je veux que tu sois la plus jolie... Encore un peu de patience, là, ce joli nœud dans les cheveux de la petite princesse. Tu verras comme tout le monde va te regarder, t'admirer...

Lillie silencieuse, observe sa maman.

- Donne-moi ton bras, que je te passe le petit gilet, il fait un peu frais ce matin.

Lillie se laisse habiller de bonne grâce.

- Voilà, on est prête !

Elle serre Lillie dans ses bras, embrasse les joues potelées.

Mamie va nous accompagner, pour que je puisse m'occuper de toi, lui dit-elle cependant qu'elle la sangle dans le siège bébé de la voiture.

Mme Lazare a pris soin de préparer le biberon et quelques changes au cas où...

A la caisse du supermarché, pendant que Mamie emballe les achats, Mme Lazare discute avec la caissière, Lillie toute sage dans les bras.

Un peu trop longtemps au goût des personnes qui font la queue.

Juliette, dans la file, ses courses dans les bras, s'impatiente, râle.

- Mais qu'est-ce qu'elles sont bavardes... Elles voient pas qu'il y a du monde !

Elle regarde, l'œil méchant, la cliente importune avec son bébé.

Elle perçoit des bribes de la conversation :

« non, les gens disent rien, ils remarquent pas en général... »

Juliette essaie de se distraire, regarde ailleurs, mais son attention se porte de nouveau sur la petite famille. Un détail l'a dérangée. Elle dévisage la femme au discours animé puis l'enfant.... Elle se sent mal à l'aise tout à coup

Les jambes... Les jambes du bébé... Elles sont très minces... trop minces...

Elle ne peut s'empêcher de fixer longuement les petites jambes roses.

Elles sont très roses ces jambes... trop roses...

Des jambes... immobiles... beaucoup trop immobiles...

Le malaise grandit.

Qu'il est calme ce bébé... Trop calme... Beaucoup trop calme...

Juliette bouleversée, fixe alors le petit visage aux yeux bleus tout ronds et immobiles.

Parfaitement immobiles.