Vendredi soir... 18h20

Accoudée à mon bureau, goûtant au calme de cette fin d'après-midi, je laisse mon regard errer tantôt sur les nuages qui se penchent à ma lucarne, tantôt sur la pile de livres qui bordent sagement la table, attendant mon œil attentionné.

J'entends du bruit dans la cuisine. Pierre s'agite. C'est son domaine. Nul n'est en droit de le déranger dans son sanctuaire sinon à risquer une belle remarque !

Ces divers entrechoquements augurent de belles et bonnes choses à déguster, à l'heure du repas qui approche.

Une odeur de légumes grillés grimpe l'escalier et vient m'ouvrir l 'appétit.

Et je savoure ces instants de flottements où la rêverie est permise, parce que rien de sérieux n'est envisageable. Il est trop tard pour se lancer dans une longue tâche.

Ce sont des moments en suspend prêts à se laisser modeler.

Je pourrais ranger le bureau, histoire de le laisser respirer un peu ; je pourrais lire ou écrire...

Ma main effleure « on ne peut pas être heureux tout le temps » de Françoise Giroud, qui côtoie François Cheng ou encore Stephan Zweig...

Vendredi soir...

Ça ne veut rien dire, en fait...

J'aurais pu écrire, jeudi soir ou mardi soir...

Pierre et moi vivons dans un temps linéaire. Peu d'évènements extérieurs, peu d'obligations viennent perturber cet écoulement tranquille des jours...

Nous restons très souvent à la maison. La santé de Pierre l'oblige à une certaine immobilité. Elle nous convient parfaitement.

D'aucuns y verraient la source d'un ennui profond.

Nous la vivons sereinement ; notre belle connivence nous nourrit l'un l'autre.

Nous sommes riches de cette entente qui nous unit depuis tant d'années. Heureux donc.

Je choisis d'écrire.

« Accoudée à mon bureau, goûtant... »

…

La pluie a commencé de tomber. Elle tapote tranquillement à ma fenêtre.

Pierre m'appelle.

Le repas est prêt.

Un soir, sur terre...